dimanche 29 septembre 2013

Présentation du livre



Le mot « cénacle » n’évoque plus aujourd’hui qu’un groupuscule d’initiés ourdissant quelque complot. Il n’en allait pas de même au XIXe siècle où l’on désignait par ce terme un petit cercle d’écrivains et d’artistes rassemblés autour d’une figure charismatique, occupés à poser, à huis clos, les jalons de l’Art de demain. Encensé par les uns et raillé par les autres, le cénacle offrait une alternative aux tentations de la mondanité, de l’académisme, du mercantilisme et du journalisme. Des soirées de Hugo aux Mardis de Mallarmé en passant par les Samedis de Leconte de Lisle et le cercle des Nabis, il est devenu la sociabilité de référence des écrivains et des artistes qui désiraient fonder un mouvement. Après l’époque des « salons littéraires » et avant l’ère des « groupes d’avant-garde », le XIXe siècle s’impose comme « l’âge des cénacles ».
Elaboré à partir d’un vaste corpus de correspondances, de journaux intimes, d’articles de presse, de satires, de romans ou encore de poèmes, ce livre cerne les contours du cénacle à la fois comme phénomène historique, objet sociologique et figure de l’imaginaire. Au fil des pages, le lecteur croisera les grands noms de la peinture et de la littérature françaises du XIXe siècle (Hugo, Stendhal, Balzac, Courbet, Flaubert, Baudelaire, Manet, Zola, Verlaine, Mallarmé) et s’immergera dans les mouvements littéraires et artistiques qui l’ont marqué (romantisme, réalisme, Parnasse, naturalisme, impressionnisme, symbolisme). 
En somme, à travers le prisme du cénacle, c’est tout le XIXe siècle que les auteurs éclairent d’un jour nouveau en montrant qu’il fut moins le siècle des génies solitaires que celui des grandes aventures collectives.

samedi 28 septembre 2013

Les auteurs



Anthony Glinoer est professeur agrégé à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’histoire de l’édition et la sociologie du littéraire. Ses publications récentes comprennent : Imaginaires de la vie littéraire (P.U. Rennes, 2012, direction avec Björn-Olav Dozo et Michel Lacroix), Bohème sans frontière (P.U. Rennes, 2010, direction avec Pascal Brissette), La littérature frénétique (P.U.F., 2009), La querelle de la camaraderie littéraire (Droz, 2008) et Naissance de l’Éditeur (Les impressions nouvelles, 2005, avec Pascal Durand). Il est actuellement président de l’Association canadienne des études francophones du XIXe siècle.


Vincent Laisney est Maître de conférences à l’Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense. Spécialiste du romantisme et des sociabilités littéraires, il est l’auteur de L’Arsenal romantique : le salon de Charles Nodier (1824-1834) (Champion, 2002), et de nombreux articles sur la question des cénacles littéraires et artistiques.

vendredi 30 août 2013

Les chefs de cénacles romantiques

Stendhal (Dimanches de Delécluze)
E.-J. Delécluze
Émile Deschamps (Cénacle de la Muse française)
Maurice Quay (Secte des Méditateurs)
Victor Hugo (Cénacle de la rue Notre-Dame-des-Champs)
Charles Nodier (Dimanches de l'Arsenal)


Alfred de Vigny (Mercredis de Vigny)

mercredi 28 août 2013

Causeries de Cénacle




Le « parloir de Magny »


Nous sommes le 22 juin 1863. Dix convives, et non des moindres, sont assis à la table du cabinet particulier du restaurant Magny de la rue Contrescarpe, où le groupe se réunit tous les lundis de quinzaine. Manquent seuls à l’appel Flaubert et Tourgueniev.

***
Liste des personnages:
Théophile Gautier, poète, romancier, chroniqueur
Hippolyte Taine, historien de la littérature
Edmond de Goncourt, romancier
Paul de Saint-Victor, critique dramatique
Jules de Goncourt, romancier
Charles-Augustin Sainte-Beuve, poète, critique littéraire
Eudore Soulié, conservateur du château de Versailles
Ernest Renan, historien et philosophe
Auguste Nefftzer, critique (fondateur et directeur du Temps)
François Veyne, médecin (des artistes et des écrivains)
Charles-Edmond [Chojecki], écrivain et journaliste
Edmond Scherer, critique littéraire
Paul Gavarni, dessinateur et illustrateur

Gautier. – Les bourgeois ? Il se passe des choses énormes chez les bourgeois. J’ai passé dans quelques intérieurs, c’est à se voiler la face. La tribaderie est à l’état normal, l’inceste en permanence et la bestialité…
Taine. – Moi, je connais des bourgeois, je suis d’une famille bourgeoise… D’abord, qu’est-ce que vous entendez par bourgeois ?
Gautier. – Des gens qui ont de quinze à vingt mille livres de rente et qui sont oisifs.
Taine. – Eh bien, je vous citerai quinze femmes de bourgeois que je connais, qui sont pures !
Edmond. – Qu’en savez-vous ? Dieu lui-même l’ignore !
Taine. – Tenez, à Angers, les femmes sont si surveillées qu’il n’y en a qu’une qui fasse parler d’elle.
Saint-Victor. – Angers ? Mais c’est plein de pédérastes ! Les derniers procès…
Jules. – Ils ont effondré le pont !
Sainte-Beuve. – Mme Sand va faire quelque chose sur un fils de Rousseau, pendant la Révolution… [Les Mémoires de Jean Paille] Ce sera tout ce qu’il y a de généreux dans la Révolution… Elle est pleine de son sujet. Elle m’a écrit trois lettres, ces jours-ci… C’est une organisation admirable.
Soulié. – Il y a eu un vaudeville de Théaulon sur les enfants de Rousseau…
Renan. – Mme Sand, le plus grand artiste de ce temps-ci et le plus vrai !
La table. – Oh !... Ah !... Hi !...
Saint-Victor. – Est-ce curieux, elle écrit sur du papier à lettres !
Edmond. – Elle restera… comme Mme Cottin !
Renan. – Par vrai, je n’entends pas le réalisme !
Sainte-Beuve. – Buvons… Je bois, moi ! Allons, Scherer…
Taine. – Hugo ? Hugo n’est pas sincère.
Saint-Victor. – Hugo !
Sainte-Beuve. – Comment, vous, Taine, vous mettez de Musset au-dessus d’Hugo ! Mais Hugo, il fait des livres !... Il leur a volé sous le nez, à ce gouvernement-ci, qui est pourtant bien puissant, le plus grand succès de ce temps-ci… Il a pénétré partout… Les femmes, le peuple, tout le monde l’a lu. Il s’épuise de huit heures à midi… Moi, quand j’ai lu ses Odes et Ballades, j’ai été lui porter tous mes vers… Les gens du Globe l’appelaient un barbare… Eh bien, tout ce que j’ai fait, c’est lui qui me l’a fait faire. En dix ans, les gens du Globe ne m’avaient rien appris.
Saint-Victor. – Nous descendons tous de lui.
Taine. – Permettez ! Hugo est dans ce temps-ci un immense événement, mais…
Sainte-Beuve. – Taine, ne parlez pas d’Hugo ! Ne parlez pas de Mme Hugo ! [Le Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie était sorti le 18 juin, ce qui explique que les hommes du Magny en parlent avec autant d’excitation.] Vous ne la connaissez pas… Nous ne sommes que deux ici, Gautier et moi… Mais c’est magnifique !
Taine. – C’est que je crois que maintenant, vous appelez poésie de peindre un clocher, un ciel, de faire voir les choses. Ce n’est pas de la poésie, c’est de la peinture.
Saint-Victor. – Je la connais !
Gautier. – Taine, vous me semblez donner dans l’idiotisme bourgeois à propos de la poésie, lui demander du sentimentalisme ! La poésie, ce n’est pas ça. C’est une goutte de lumière dans un diamant, des mots rayonnants, le rythme et la musique des mots. Ça ne prouve rien, ça ne raconte rien, une goutte de lumière ! Ainsi le commencement de Ratbert, il n’y a pas de poésie au monde comme cela, si haute ! C’est le plateau de l’Himalaya… Toute l’Italie blasonnée est là ! Et rien que des noms !
Nefftzer. – C’est qu’il y a une idée, si c’est beau !
Gautier. – Toi, ne parle pas ! Tu t’es raccommodé avec le bon Dieu pour faire un journal, tu t’es remis dans le vieux !
(La table rit.)
Taine. – Tenez, par exemple, la femme anglaise…
Sainte-Beuve. – Oh ! la femme française, il n’y a rien de plus charmant ! Une, deux, trois, quatre, cinq, six femmes, c’est délicieux ! Elles ont une grâce, elles sont si aimables !... Est-ce que notre amie est revenue ?... Et dire qu’au moment du terme, on en a une masse de ravissantes pour rien, de ces malheureuses-là ! Car le salaire des femmes… Voilà une chose à laquelle jamais les gens comme Thiers ne penseront. Il faut renouveler l’État par là. Ce sont des questions…
Veyne. – C’est-à-dire que s’il y avait une Convention…
Saint-Victor. – Il n’y a pas moyen, pour une femme, de vivre… La petite Chose, du Gymnase, avec quatre mille francs par an, me disait hier…
Gautier. – La prostitution est l’état ordinaire de la femme, je l’ai dit.
Jules. – Mais on veut donc tuer tous les commerces de luxe !
Quelqu’un. – Alors nous revenons à Malthus !
Charles-Edmond. – C’est une infamie, Malthus !
Taine. – Mais il me semble qu’on ne doit mettre au monde des enfants, que quand on est sûr de leur assurer… Des filles qui partent pour être institutrices en Russie, c’est affreux !
Soulié. – Comment ! C’est de la première immoralité ! Vous voulez limiter… Eh bien, si les enfants meurent, ils meurent ; mais il faut en faire…
Une voix. – Mouchez la chandelle !
Une autre voix. – C’est de l’égoïsme !
Edmond. – Comment, de l’égoïsme ? De ne pas décharger !
Charles-Edmond. – Oui !
Gautier. – Votre maîtresse est stérile ?
Charles-Edmond. – Oui !
(Rires.)
Saint-Victor. – Mon Dieu, c’est la nature, c’est le grand Pan !
Une voix. – Et la nature se venge, quand…
(Sainte-Beuve se pend des cerises aux oreilles. On accroche la question de la propriété littéraire)
Gautier. – J’ai fait un si beau discours à la commission, que j’ai manqué de faire passer le principe de la rétroactivité.
Sainte-Beuve. – Comment ! Mais ça n’a pas le sens commun ! D’abord, au fond, moi, je suis contre toute propriété. Je vends tous les ans une petite propriété de volumes. Ça me sert à donner quelques petites choses aux femmes… Aux étrennes, elles sont si gentilles, qu’on ne peut pas…
(Le nom de Racine tombe dans une assiette)
Nefftzer, à Gautier. – Toi, ce matin, tu as fait une infamie. Tu as vanté ce matin, dans ton feuilleton du Moniteur, le talent de Maubant et de Racine.
Gautier. – C’est vrai, Maubant est plein de talent… J’ai demandé un décor… Mon ministre a l’idée idiote de croire aux chefs-d’œuvre. Alors je rends compte d’Andromaque. Au reste, Racine, qui faisait des vers comme un porc, je n’ai pas dit un mot élogieux de cet être… On a lâché une nommée Agar dans ce genre de divertissement…
(Gautier n’appelle plus Sainte-Beuve que mon oncle ou l’oncle Beuve)
Scherer, épouvanté, regardant la table du haut de son pince-nez. – Messieurs, je vous trouve d’une intolérance… Vous procédez par voie d’exclusion… Enfin, à quoi donc tâcher ? C’est à se réformer, à combattre ses opinions d’instinct. Le goût, ce n’est rien, il n’y a que du jugement. Il faut du jugement…
Jules. – Du goût, au contraire, et pas de jugement ! Le goût, c’est le tempérament.
Saint-Victor, timidement. – Moi, j’avouerai que j’ai un faible pour Racine…
Edmond. – Eh ! bien, voilà ce qui m’a toujours étonné. C’est qu’on aime en même temps la salade avec beaucoup de vinaigre et avec beaucoup d’huile, Racine et Hugo.
(Brouhaha final)
Une voix. - On ne s’entend pas.
Gavarni. – On s’entend trop !
Exeunt.

mercredi 31 juillet 2013

Les chefs de Cénacles entre 1830 et 1860

Pétrus Borel (Petit Cénacle)


Gustave Courbet (Cénacle réaliste)


Gérard de Nerval (Le Doyenné)


Sainte-Beuve (Diner Magny)


Henri Murger (Buveurs d'eau)

samedi 27 juillet 2013

Cénacles parnassiens et naturalistes

Edouard Manet (Guerbois)


Gustave Flaubert (Les Dimanches)


Émile Zola (Les Jeudis)
Catulle Mendès
Leconte de Lisle (Les Samedis)